Raconter notre histoire de parent

Le féminin est utilisé pour alléger le texte, car je sais que je m’adresse surtout à des mères. Mais tous les pères et parents sont les bienvenus. Vous vous sentirez toutefois probablement plus visé par plusieurs articles si vous êtes le parent principal.

Pourquoi raconter notre histoire de parents

Est-ce que l'idée de raconter votre histoire de parent vous parait saugrenue? Est-ce que vous auriez l'idée de vous assoir une journée pour coucher sur papier tout ce qui est arrivé depuis que vous avez décidé (ou pas) d'avoir des enfants et comment vous avez vécu ces différentes étapes ? Probablement pas. 

Ce n'est pas une chose qu'on prend le temps de faire dans notre vie qui va toujours tellement vite. Et pourtant ! Toute une approche en intervention sociale est basée sur cette idée soit l'approche narrative1. C'est donc dire que c'est loin d'être futile ou superflu. Mais pourquoi voudrions-nous raconter ou rédiger notre histoire de parent ?

Pour avoir plus de clarté

Souvent, quand on est parent, la vie passe un peu comme dans un brouillard où les jours se confondent avec les années. La fameux «Les jours sont longs mais les années sont courtes» s'applique particulièrement bien à la parentalité ! Et souvent on raconte les quelques histoires qui sortent du reste quand on parle de notre vie de famille mais les autres tombent dans l'oubli. On se crée alors une histoire de notre vie qui est partielle au mieux et probablement à dominance négative (on y reviendra).  Avec ces quelques brides d'histoire, nous forgeons notre perception de nous-même comme parent et les autres se forgent une perception de nous également.  

On peut également identifier nos valeurs et nos priorités, ce qui compte vraiment dans notre vie au travers de tout ce qu'on doit faire. 

En racontant notre histoire, toute notre histoire et en la mettant sur papier, on donne un espace au reste, aux choses oubliées et mises de côté et on peu voir ce qu'on a fait depuis tout ce temps avec plus de clarté. On prend également le temps de s'arrêter et de chasser le brouillard et de prendre une pause pour arrêter la roue qui roule trop vite. 

Se donner de l'espace à soi

Prendre cette petite pause également pour nous redonner de l'espace è nous dans notre histoire familiale. Parce que la plupart du temp, quand on raconte notre vie, on parle souvent plus de nos enfants que de nous. On a tendance à s'oublier et le narratif de notre famille devient : «Tu ne sais pas ce que Lucy a fait hier...» plus que «Tu ne devinera jamais ce que j'ai fais pour mes enfants aujourd'hui». C'est quand la dernière fois que vous avez dis ça ? Possiblement jamais. Probablement rarement. 

Et pourtant on a une place de choix dans notre histoire de famille, nous en sommes également un des personnage principaux et, puisque c'est NOTRE histoire nous en sommes en fait LE personnage principal. Mais un personnage qui a tendance à se cacher derrière les personnages secondaires que sont nos enfants. 

Raconter notre histoire permet aussi de prendre une distance et de déposer notre situation un peu à distance, pour la regarder de l'extérieur, comme si on était un témoin de ce qui ce passait. Ça nous permet de la voir et de l'analyser avec des yeux différent et de se donner un espace pour respirer un peu. 

Voir nos forces

Parce qu'on a souvent tendance à raconter les pires choses qui arrivent, les catastrophes, les malheurs. Pas seulement évidemment, mais majoritairement. On se souvient plus facilement de l'histoire d'accouchement catastrophique que de celle qui a super bien été,  de l'enfant qui n'a pas fait ses nuits pendant des années que de celui qui a dormi rapidement, de l'enfant qui dérange en classe que de celui qui fait son travail en silence ou de l'ado rebelle que de celui qui collabore. Pourquoi ? À la fois par le biais de notre cerveau à vouloir nous protéger des danger et celui de la société actuelle de mettre l'accent sur les catastrophes, comme si les bonnes nouvelles n'avaient pas d'intérêt. 

En racontant notre histoire de parent, on réalise l'ampleur de ce qu'on fait comme parent pour nos enfants. On en oublie généralement la majorité. On tasse de côté des choses qui nous paraissent anodines. Mais une fois mises bout à bout, elles prennent de l'importance. Ça nous permet alors de voir nos forces de parent, de voir comment on réagit dans plusieurs situations difficiles et comment on est passé au travers de ces situations pour en ressortir grandit (et probablement plus fatiguée). 

Voir nos forces nous permet de les utiliser plus facilement. Parce qu'il est très possible que certaines aient été oubliés ou que nous ignorions même que nous les avons et que ce n'est qu'en prêtant attention à notre histoire que avons prit conscience que nous avions ces forces insoupçonnées. 

Et réaliser quelles sont nos forces permet de nuancer notre vision négative de nous-même, parce qu'on en a toutes une, plus ou moins importante, cette vision, cette petite voix qui nous critique et nous juge. Pouvoir répondre à cette petite voix : «Je ne suis peut-être pas super patiente, mais je suis vraiment attentive» permet de la faire taire au moins un peu. Même chose pour notre tendance à nous comparer aux autres. Quand on voit passer de magnifiques maisons bien décorées et parfaitement en ordre avec des enfants parfaitement habillés et tout propres sur les réseaux sociaux, l'envie et la comparaison ne sont jamais bien loin et ça peut être difficile de les ignorer et de se sentir compétent. Si on peut contrer, encore une fois par nos avantages à nous, ça réduit la pression qu'on ressent. 

Réaliser ses comportements répétés et en prendre le contrôle

Voir notre histoire c'est également voir des répétitions. Qui peuvent être positives ou négatives. Réaliser qu'on réagit de façon similaires dans certaines situations ou certains contextes et choisir si c'est quelque chose qu'on veut poursuivre ou pas. Une fois qu'on a fait cette pris de conscience on peut décider de répéter les comportements qui nous servent de façon volontaire, voir de les utiliser plus souvent et de cesser certains comportements qui nous nuisent. Évidemment il ne suffira pas de les identifier pour les régler, puisqu'ils sont souvent présents depuis longtemps, mais prendre conscience de leur existence est la première étape.

On peut également voir tout le beau dans notre histoire (le moins beau aussi, on y reviendra). On peut choisir de ce concentrer sur le positif et amener plus de cette partie de notre histoire avec nous quand on la partage ou simplement quand on la vie.

Réécrire notre histoire et prendre le contrôle de la suite

Une fois que notre histoire est écrite on peut la réécrire. Pas pour la rendre fausse ou plus à notre avantage, mais bien pour mettre en valeur les éléments qui sont les plus importants et nous apportent le plus.

Et une fois qu'on a toutes ces informations en main, on peut prendre le contrôle pour la suite, au moins un peu. Évidemment la vie va continuer à nous arriver et la roue va continuer de tourner trop vite souvent. Mais quand on est plus conscients de comment les choses se déroulent autour de nous, on peut plus facilement faire des choix qui sont à notre avantage. 

Tout ça nous donnera plus de confiance dans notre rôle de parent. 

Qu'est-ce que notre histoire apporte à nos enfants ?

Raconter notre histoire, si on est pas une personne «importante» est-ce que c'est utile à quelqu'un d'autre qu'à nous ? 

Important, ça veut dire quoi ? Parce que je dirais qu'on est toutes super importantes pour au moins une personne et, quand on a des enfants, on est au moins importante pour eux et probablement pour tout autre personne faisant partie de notre équipe parentale. Alors, notre histoire est importante pour eux, de plusieurs façons. 

Elle fait partie de leur histoire à eux

C'est la raison la plus évidente. Notre histoire de parent, et même notre histoire de vie dans son ensemble, fait partie de l'histoire de nos enfants. Ils sont là parce qu'on a décider de les concevoir ou de les amener chez nous, donc cette histoire de désir d'enfant, de démarche peu importe quelles elles sont, c'est la leur autant que la nôtre. Quand ils vont vouloir en connaitre plus sur leur histoire, ils vont être contents d'avoir ce petit bout de vie raconter. J'ai donner à ma mère et ma grand-mère, il y a quelques années, un abonnement qui nous permettait d'avoir cette histoire racontée et ça a été incroyablement enrichissant de lire ces moments, anecdotes et réflexions sur leurs histoires. Ça nous a permis de mieux les connaitre aussi, comme ça permettra à nos enfants de mieux nous connaitre et nous comprendre. 

Offrir une vision plus réelle de leur enfance

Quand ils seront grands et qu'ils auront l'âge de se poser des questions sur leur enfance, ils auront leurs souvenirs, mais ces souvenirs sont souvent grandement biaisés, parce que, comme tout humains et encore plus comme tout enfant dont la compréhension du monde présente encore beaucoup de trous, ils auront interprétée leur histoire avec leur capacité de comprendre ce qui se passe autour d'eux. Avoir notre vision de l'histoire leur permettra de corriger certaines interprétations ou de combler des trous. 

Et s'ils deviennent parents eux-mêmes, notre histoire vraie leur offrira une image réaliste et concrète de la parentalité, ce qui n'est pas si présent autour de nous. 

Leur donner des parents plus conscients et confiants

C'est probablement le plus grand avantage, bien qu'il soit indirect. Quand nous prenons ce temps de réflexion et d'analyse de notre parentalité, nous le faisons pour nous mais également pour eux. Parce qu'on développant nos forces, en prenant conscience de nos comportements récurants (positifs comme négatifs), en identifiant notre réseau positif de soutien et les influences négatives autour de nous, nous pouvons devenir des parents qui prennent des décisions et posent des actions plus conscientes et sont plus confiants. Évidemment, pas tous les jours, nous sommes humains, mais plus souvent qu'avant. C'est d'ailleurs ce qu'ils pourront voir dans notre histoire : Que l'imperfection est humaine. 

Et notre histoire peut avoir un impact sur les autres parents

Si on choisi de la partager, notre histoire peut avoir un impact positif encore plus large que celle qu'elle a sur notre famille ou sur nous.

Les aider à se sentir moins seuls

La solitude est un sentiment très répandu chez les parents actuels dans les sociétés occidentales du nord (et dans une grande partie de l'Océanie). Elle l'est entre autre parce qu'on a perdu une grande partie de notre communauté de soutien par l'éclatement et l'éloignement des familles et par le fait qu'on s'attend maintenant à ce que nous prenions soin de nos enfants par unité familiale d'abord et avant tout. 

Raconter notre histoire de parent permet aux autres parents de trouver des points communs avec la notre et, donc de se sentir moins seuls en réalisant que leur vécu est partagé.

Permet de présenter une variété de vécus différents

Plus de parents partageront leur histoire avec honnêteté, plus nous verrons la grande variété des histoires qui existent. Parce qu'il n'existent pas vraiment une famille «normale» comme aimerait nous le faire croire les médias ou les forfaits d'activités familiales pour deux-adultes-et-deux-enfants. Il existe une infinie variété d'histoires qui sont toutes différentes et toutes aussi valables les unes que les autres. 

Est-ce que les deux éléments que je viens de mentionner vous semblent contradictoire ? Ils peuvent paraitre contradictoire mais ne le sont pas vraiment. Nous sommes tous uniques dans nos histoires spécifiques, nos défis, nos victoires, nos obstacles. Mais nous avons tous une chose en commun : Être parent. Même si nous n'avons pas pu avoir d'enfants ou que nous les avons perdus, ne serait-ce que le désir d'enfant permet de partager des vécus similaires avec la communauté des parents. 

Et c'est en présentant tous ces portraits à la société que, tranquillement, la vision de la parentalité et l'importance qu'on donne à la famille dans les société pourra changer. 

En conclusion

Votre histoire de parent vaux la peine d'être racontée à la fois pour vous, pour vos enfants et pour l'ensemble des autres parents et même de la société. 

Mais même si vous choisissez de ne pas partager votre histoire et que vous ne la garder que pour vous, elle pourra nous donner plus de clarté, nous offrir un espace pour nous, mettre nos forces en valeur, nous permettra d'identifier nos ressource et obstacles et nous donner un plus grand contrôle pour la suite de notre histoire, pour nous donner une plus grande confiance dans notre rôle de parent. 

1 Introduction à l'approche narrative

Pour voir des exemple d'histoires de parents, vous pouvez explorer les participants au projet Confiance parentale. Vous pouvez également visitez cette page pour voir une bonne partie de mon histoire.